Sans l’humus, le sol devient désertique. Or la plupart des sols agricoles, faute d’humus, s’approchent de la stérilisation. Il est urgent, explique le spécialiste Bernard K. Martin, que l’homme cesse « de considérer les terres agricoles comme des mines à ciel ouvert. »
Bernard K. Martin, ancien député suisse, est consultant en agriculture durable. Il est l’auteur de :Les enjeux internationaux du compostage. Nos ressources alimentaires et en eau. Climat, Editions L’Harmattan, Paris.
Les humus du sol résultent de la décomposition – recyclage – des matières végétales et animales, sous l’effet des organismes (exemple : microorganismes, invertébrés / vers de terre, etc., vivant dans la terre) qui se nourrissent de ces matières organiques, libérant des nutriments pour les plantes. Humus et argiles « s’associent ». Cet ensemble vivant forme la base de la fertilité et de la durabilité des sols. Le tout constitue aussi le carrefour des cycles de l’eau, de l’azote et du carbone, notamment, localement et sur la Planète.
Sans humus, des déserts
Les humus (principalement du carbone) se présentent sous forme de substances brun foncé, à l’image des particules du terreau noir. Sans humus ni organismes du sol, celui-ci s’érode, se stérilise, devient désertique.
Les vertus des humus sont nombreuses : importants réservoirs nutritifs, ils retiennent aussi l’eau pour les végétaux, ils structurent la terre (ils la rendent grumeleuse), contribuent à la circulation de l’air et de l’eau, favorisent la pénétration des racines, « contrôlent » l’érosion en maintenant la cohésion des particules de terre – grumeaux, par exemple grâce aux réseaux sous-terrains des champignons microscopiques autant que par les racines des plantes.
Les interactions entre sol et humus, végétaux, animaux, atmosphère et climat constituent des paramètres fondamentaux de notre biosphère : carbone, azote, hydrogène et oxygène – dont l’eau – etc., circulent. Ces éléments sont mobiles autour du globe. Mers, océans, eaux douces et atmosphère participent aussi de ces circulations dénommées « cycles biogéochimiques ». Cette mobilité s’effectue entre le vivant dont les sols, la croûte terrestre, les eaux, l’air – et réciproquement. Un héritage de centaines de millions d’années d’évolution sur les continents.
L’approche globale « humus, vie des sols et liens sol – plante – atmosphère – climat » s’avère impérative actuellement, eu égard aux modifications climatiques. Mais aussi pour d’autres raisons : pollutions agrochimiques, excès de labours, risques OGM, transition énergétique, santé publique, érosion et désertification des terres, famines, sécheresses, migrations humaines (une grande partie des migrants s’exile pour cause de désertification des sols et disparition de biodiversité). Il est important d’appliquer ces données agronomiques / pédologiques universellement reconnues par les Académies.
Des techniques existent
- Le ver de terre, un ami de l’humanité
Arbres et autres couverts végétaux ont été reconnus en tant que puits de carbone. Mais sous nos pieds, humus, microorganismes, invertébrés, racines, contiennent aussi beaucoup de carbone : de l’ordre de 100 à 120 tonnes à l’hectare pour une bonne terre. Souvent les terres agricoles voient leur carbone diminuer sous la barre de 50 à 60 tonnes par hectare, pour causes de techniques inadaptées. En d’autres termes, une terre à l’équilibre devrait compter de l’ordre de 4 à 6 % d’humus. Or la plupart des sols agricoles présente un taux au-dessous du seuil limite. Certaines terres encore exploitées montrent un taux de 1.5 %, proche de la stérilisation.
Pourtant des techniques respectueuses des cycles naturels permettent de reconstituer ce stock carboné au sein de la terre, tout en augmentant les récoltes. J’en témoigne dans mon livre avec d’autres observations remarquables concernant l’importance de l’humus, résultats obtenus dans plusieurs pays et régions.
Lorsque Homo Sapiens cessera de considérer les terres agricoles comme des mines à ciel ouvert, lorsqu’il appliquera ces réalités pédologiques / écologiques globales, il sera possible de renforcer les puits de carbone des sols de millions, voire de milliards de tonnes grâce à ces moyens naturels. L’une des clés : optimiser le recyclage des matières végétales, particulièrement des matières ligneuses (pailles, feuilles, tiges, racines, broussailles, branches, cimes, bois, écorces, copeaux, sciure, etc.).
Le marché mondial du carbone permettra-t-il de financer ces activités novatrices ?
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